Je salue les femmes qui luttent dans toutes les régions du monde, femmes au foyer, travailleuses, agricultrices, employées, personnes déplacées, migrantes, et celles qui sont sous le feu des guerres au Congo, en Palestine, en Ukraine, au Liban et au Soudan.
En ce 25 novembre, mon pays ravagé par la guerre traverse la période la plus sombre de son histoire. 14 millions de réfugié-e-s ont fui le Soudan, dont 88% de femmes et d'enfants, et 3 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays, exposées aux épidémies et à la famine, tandis qu’au moins 25 femmes meurent chaque jour dans des attaques.
Depuis l'aube de l'histoire, les femmes soudanaises constituent un exemple exceptionnel : à l'époque des pharaons noirs, nous étions des reines guerrières et des déesses idolâtrées, nous menions des guerres et décidions qui hériterait du trône. Dans l'histoire moderne, des femmes sages ont dirigé le Soudan avec une autorité sociale inégalée, de la mer Rouge aux forêts tropicales.
Puis, après l’arrivée du colonisateur anglais, les mouvements de libération et d’indépendance sont nés dans les salons de femmes, de leurs discussions et de leur combat pour préserver leur culture.
Après la prise de pouvoir des islamistes représentés par le régime d’Omar El-Béshir (1989), nous, les femmes, avons été une épine dans la gorge du régime, qui nous a classées comme ses ennemies naturelles et a promulgué des lois humiliantes à notre encontre. C’est pourquoi la révolution soudanaise de 2018 était avant tout une révolution féministe. Les femmes médecins, les avocates, les étudiantes, les femmes au foyer ont participé activement à la révolution et à la formation des comités de résistance. Les filles soudanaises ont formé des réseaux de renseignement secrets qui ont permis aux manifestant-e-s de déjouer les pièges tendus par leurs assassins.
Depuis mon arrivée en Europe, j'ai remarqué que, malgré les horreurs que nous vivons, le Soudan est loin d'être au centre de l'attention. Nous sommes dépeints comme un peuple primitif qui s'entre-tue, alors qu'en réalité, ce sont les armées impérialistes qui mènent la guerre au Soudan. Wagner et les Émirats Arabes Unis se battent avec les Forces de Soutien Rapides, l'Iran et l'Arabie saoudite se rangent du côté de l'armée soudanaise, tandis que la Chine, l'Égypte et les Émirats pillent les ressources du pays. Tout le monde conspire dans un silence délibéré, visant à cacher une guerre menée sur le corps des femmes.
Dans la guerre au Soudan, déclenchée il y a 19 mois pour mettre fin à la révolution soudanaise, le vi*l est utilisé comme une arme contre les femmes. 4 millions de femmes sont sous la menace de vi*lences s*xuelles perpétrées collectivement devant leurs familles comme moyen d'intimidation et de vengeance. Les femmes soudanaises ont perdu leurs maisons et leurs sources de revenus, et ont été forcées de fuir leurs villages sur des routes dangereuses bombardées par des canons et des avions de guerre, tandis que des sociétés internationales travaillent à l'extraction de l'or dans les zones d’où les gens ont été déplacé-e-s.
Dans les camps de déplacé-e-s, qui sont bombardés et menacés, sévit la plus grave famine au monde depuis 40 ans. L’absence de nourriture et de médicaments contraint les gens à manger des feuilles d’arbres. La famine menace la vie de 7000 nouvelles mères dans les semaines à venir et plus de 1,2 million de femmes enceintes et allaitantes sont en danger.
Les femmes dans les camps subissent aussi des restrictions de leurs déplacements. Neuf femmes ont été exécutées pour avoir publié sur les réseaux sociaux des messages appelant à la fin de la guerre. Au cours du seul mois dernier, 69 cas de disparitions forcées de femmes ont été enregistrés.
Pour finir, j'espère que la cause des femmes soudanaises trouvera la solidarité souhaitée de la part des femmes du monde entier et des défenseur-euse-s des droits des femmes.
Si vous le pouvez, je vous demande d'observer une minute de silence en signe de deuil pour les femmes soudanaises qui ont perdu la vie, et en signe de solidarité avec les femmes déplacées dans les camps.
Je salue à nouveau les femmes qui luttent contre la violence dans le monde entier. Que la paix soit sur elles, et que justice leur soit rendue !
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Alaa Busati, militante soudanaise en exil en France.
Traduction : Sudfa Media