Dans notre dernier article, on vous parlait de la scène rap soudanaise mise en avant par le projet Rap Shar3 (allez lire cet article si vous ne l’avez pas encore lu !). Malgré la guerre qui a commencé au Soudan en avril 2023, une vingtaine d'artistes se sont rassemblés pour produire des morceaux inédits, avec un premier épisode dédié à des morceaux engagés contre le guerre et sue la situation politique et humanitaire au Soudan, et un deuxième épisode dans lesquel les rappeurs affirment leur présence, leur unité et leur force.
On vous propose ici la traduction des paroles de deux de ces sons.
La première est une traduction des paroles du morceau « Kanet Ayam Ya Watani » (C'était une belle époque, mon pays), par le rappeur soudanais Hyper249. C’est une des chansons qui a le plus attiré l’attention des internautes, et Hyper 249, avec plus de 10K followers sur Spotify et 31K sur instagram, est un véritable artiste montant de la scène rap soudanaise. Entre tradition et modernité, cette chanson reprend le refrain d’une chanson ancienne de Sayed Khalifa - sur une prod de drill. Dans ce morceau, il y a à la fois la rage et la haine envers ceux qui font la guerre au Soudan et les conséquences, mais aussi la nostalgie d’un Soudan rêvé, d’un Soudan meilleur, avant la guerre, avant le règne d’al-Bachir, peut-être même finalement l’espoir d’un futur Soudan au-delà de tous les problèmes.
La chanson est disponible sur youtube et autres plateformes de diffusion. On a choisi de faire une traduction qui rend au mieux le sens et respecte aussi la forme rap.
« Kanet Ayam Ya Watani » (C’était une belle époque, Mon pays), par : Hyper249, prod : Leman Beats (2024)
A écouter ici :
https://www.youtube.com/watch?v=yAbMYLPdyKI
Ah mon frérot
Je dis : ah les beaux jours de l’époque Nimeiri
Alors que j’étais même pas né
Là dans le pays la moitié a fui
L’autre moitié est morte
On a quitté le pays, nos souvenirs et nos affaires
J’ai demandé à mon père de penser à moi dans ses prières
Ils ont tué notre pays et ils ont divisé ce qu’on avait
Ils ont juré [en prenant le pouvoir]
Mais leurs mains étaient sales
Alors que notre pays est pur, que Dieu le protège
Enlève-toi de ma route
Mes mots sont dangereux
Les mitraillettes frappent dans le quartier
La démocratie est dans une villa
[Leur mentalité c'est :] Vole, braque, tue, écrase
Frérot sors ton couteau
Fuck le président caché dans son sous-sol
Fuck Hemedti [chef des milices RSF]
Fuck les treillis
Fuck le jour qui t’a laissé en pleurs
Si je dis la vérité, les gens vont m’en vouloir
C’est le chaos et tout est renversé
L’ « aube de la victoire » c’est qu’un mensonge
On est partis, on a quitté les rues
On est sortis du pays contre notre gré
Refrain
C’était une belle époque, oh mon pays
Comme un rêve, oh mon pays x2
N*gga j’aimerais retourner dormir dans notre cour
N*gga j'aimerais boire l’eau qui sort du zeer (carafe traditionnelle)
Manger du boosh (plat de fèves)
Manger de l’Agashe (plat de viande à la cacahouète) rue du Nil
Manger des Royal Biscuits (marque de gâteaux)
On est partis, on a quitté les maisons
On n’avait pas d’autre choix en main, mais Dieu en a voulu ainsi
Tabac à chiquer dans la bouche
Debout dans le bus
Tu mourras pas seul, tous vont mourir avec toi
Voilà le pays, mon ami
Où j’ai ouvert les yeux et j’ai fait mes premiers pas
J’aimerais que la pluie tombe et nettoie mes blessures
Refrain
C’était une belle époque, oh mon pays
Comme un rêve, oh mon pays x2
Fuck le président caché dans son sous-sol
Si je dis la vérité les gens vont m’en vouloir
Fuck Hemedti
Fuck les treillis
Fuck le jour qui t’a laissé en pleurs
Fuck le président caché dans son sous-sol
Si je dis la vérité les gens vont m'en vouloir
-----------
Le deuxième morceau qu’on vous propose de découvrir s’appelle « Khyana » (Trahison), un morceau de rap engagé qui se veut moins nostalgique et au contraire très revendicatif, dans l’espoir d’une justice qui viendrait aussi par l'autodéfense populaire.
Il reflète aussi l’opinion d’une partie de la population et des jeunes, fatigués de voir les milices RSF d’un côté, tuer et piller, et de l’autre, l’armée, vue comme impuissante, dépassée mais aussi complice, après une période de transition (avant le déclenchement de la guerre) pendant laquelle les gens se sont sentis bernés et trahis. Le morceau est écrit et interprété par le rappeur Veto, encore peu connu (un peu plus de 3k followers sur Spotify, 13k sur instagram). On lui donne de la force pour la suite !
Le morceau, comme le précedent, est aussi disponible sur Youtube, Spotify et autres plateformes de diffusion.
« Khyana » (Trahison), par : Veto, prod : Flagman (2024)
A écouter ici :
https://www.youtube.com/watch?v=uthCv8vWUbw
Eh monsieur le général,
Comment tu te sens quand tu trahis le pays ?
Comment tu te sens quand tu le vends pour trois fois rien ?
Notre dirigeant c’est un renard perfide
A qui on peut pas faire confiance
Mon frère est mort en martyr
Et il a jamais été enterré
Les corps sont là dans la rue
Et ils pourrissent
Tu as caché les troupes et le matériel dont on avait besoin
Honte à vous tous
Humiliation à vous tous
Mais la victoire divine viendra
Peu importe combien de temps ça prendra
Nos mosquées ont été salies
Nos maisons ont été brûlées
Notre argent a été volé
Nos enfants ont été tués
Les femmes ont été violées
Nos familles ont dû fuir
Nos villes ont été détruites
Notre armée a déserté
La raison : les RSF [milices]
On veut pas juste une trêve
On veut une vengeance
On va récupérer ce qui est à nous
Wallah combien de chances on vous a donné
Compte, celle là c’est la combientième déjà
On a qu’une seule solution : la résistance populaire
On lève nos armes et on rate pas la cible
La patience ne sert à rien sans les tirs des balles
On reste là et on ne reculera pas
Nous sommes les lions de la jungle, les fils des guerres
On n’a pas peur de la mort
On n’abandonnera pas
Si une route est fermée, on ouvrira d’autres routes
Impossible de se rendre
C’est hors de question
Refrain
Nous sommes des soldats qui ne mourront jamais
Nous sommes la nation forte comme les lions
On se sacrifiera nous-mêmes et notre sang s’il le faut
Pour la chute de celui qui nous opprime et nous vole
------
Si cet article vous a plu et vous aimeriez d’autres traductions, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou nous envoyer un mail ou un message sur Instagram pour nous le dire !