Rap soudanais : des voix contre la guerre

20/01/2025 - par Equipe - Culture

Dans notre dernier article, on vous parlait de la scène rap soudanaise mise en avant par le projet Rap Shar3. Aujourd'hui, on a traduit pour vous deux de ces morceaux de rap.

Dans notre dernier article, on vous parlait de la scène rap soudanaise mise en avant par le projet Rap Shar3 (allez lire cet article si vous ne l’avez pas encore lu !). Malgré la guerre qui a commencé au Soudan en avril 2023, une vingtaine d'artistes se sont rassemblés pour produire des morceaux inédits, avec un premier épisode dédié à des morceaux engagés contre le guerre et sue la situation politique et humanitaire au Soudan, et un deuxième épisode dans lesquel les rappeurs affirment leur présence, leur unité et leur force.

On vous propose ici la traduction des paroles de deux de ces sons.

La première est une traduction des paroles du morceau « Kanet Ayam Ya Watani » (C'était une belle époque, mon pays), par le rappeur soudanais Hyper249. C’est une des chansons qui a le plus attiré l’attention des internautes, et Hyper 249, avec plus de 10K followers sur Spotify et 31K sur instagram, est un véritable artiste montant de la scène rap soudanaise. Entre tradition et modernité, cette chanson reprend le refrain d’une chanson ancienne de Sayed Khalifa - sur une prod de drill. Dans ce morceau, il y a à la fois la rage et la haine envers ceux qui font la guerre au Soudan et les conséquences, mais aussi la nostalgie d’un Soudan rêvé, d’un Soudan meilleur, avant la guerre, avant le règne d’al-Bachir, peut-être même finalement l’espoir d’un futur Soudan au-delà de tous les problèmes.

La chanson est disponible sur youtube et autres plateformes de diffusion. On a choisi de faire une traduction qui rend au mieux le sens et respecte aussi la forme rap.

« Kanet Ayam Ya Watani » (C’était une belle époque, Mon pays), par : Hyper249, prod : Leman Beats (2024)

A écouter ici :

https://www.youtube.com/watch?v=yAbMYLPdyKI

Ah mon frérot

Je dis : ah les beaux jours de l’époque Nimeiri

Alors que j’étais même pas né

Là dans le pays la moitié a fui

L’autre moitié est morte

On a quitté le pays, nos souvenirs et nos affaires

J’ai demandé à mon père de penser à moi dans ses prières

Ils ont tué notre pays et ils ont divisé ce qu’on avait

Ils ont juré [en prenant le pouvoir]

Mais leurs mains étaient sales

Alors que notre pays est pur, que Dieu le protège

Enlève-toi de ma route

Mes mots sont dangereux

Les mitraillettes frappent dans le quartier

La démocratie est dans une villa

[Leur mentalité c'est :] Vole, braque, tue, écrase

Frérot sors ton couteau

Fuck le président caché dans son sous-sol

Fuck Hemedti [chef des milices RSF]

Fuck les treillis

Fuck le jour qui t’a laissé en pleurs

Si je dis la vérité, les gens vont m’en vouloir

C’est le chaos et tout est renversé

L’ « aube de la victoire » c’est qu’un mensonge

On est partis, on a quitté les rues

On est sortis du pays contre notre gré

Refrain

C’était une belle époque, oh mon pays

Comme un rêve, oh mon pays x2

N*gga j’aimerais retourner dormir dans notre cour

N*gga j'aimerais boire l’eau qui sort du zeer (carafe traditionnelle)

Manger du boosh (plat de fèves)

Manger de l’Agashe (plat de viande à la cacahouète) rue du Nil

Manger des Royal Biscuits (marque de gâteaux)

On est partis, on a quitté les maisons

On n’avait pas d’autre choix en main, mais Dieu en a voulu ainsi

Tabac à chiquer dans la bouche

Debout dans le bus

Tu mourras pas seul, tous vont mourir avec toi

Voilà le pays, mon ami

Où j’ai ouvert les yeux et j’ai fait mes premiers pas

J’aimerais que la pluie tombe et nettoie mes blessures

Refrain

C’était une belle époque, oh mon pays

Comme un rêve, oh mon pays x2

Fuck le président caché dans son sous-sol

Si je dis la vérité les gens vont m’en vouloir

Fuck Hemedti

Fuck les treillis

Fuck le jour qui t’a laissé en pleurs

Fuck le président caché dans son sous-sol

Si je dis la vérité les gens vont m'en vouloir

-----------

Le deuxième morceau qu’on vous propose de découvrir s’appelle « Khyana » (Trahison), un morceau de rap engagé qui se veut moins nostalgique et au contraire très revendicatif, dans l’espoir d’une justice qui viendrait aussi par l'autodéfense populaire.

Il reflète aussi l’opinion d’une partie de la population et des jeunes, fatigués de voir les milices RSF d’un côté, tuer et piller, et de l’autre, l’armée, vue comme impuissante, dépassée mais aussi complice, après une période de transition (avant le déclenchement de la guerre) pendant laquelle les gens se sont sentis bernés et trahis. Le morceau est écrit et interprété par le rappeur Veto, encore peu connu (un peu plus de 3k followers sur Spotify, 13k sur instagram). On lui donne de la force pour la suite !

Le morceau, comme le précedent, est aussi disponible sur Youtube, Spotify et autres plateformes de diffusion.

« Khyana » (Trahison), par : Veto, prod : Flagman (2024)

A écouter ici :

https://www.youtube.com/watch?v=uthCv8vWUbw

Eh monsieur le général,

Comment tu te sens quand tu trahis le pays ?

Comment tu te sens quand tu le vends pour trois fois rien ?

Notre dirigeant c’est un renard perfide

A qui on peut pas faire confiance

Mon frère est mort en martyr

Et il a jamais été enterré

Les corps sont là dans la rue

Et ils pourrissent

Tu as caché les troupes et le matériel dont on avait besoin

Honte à vous tous

Humiliation à vous tous

Mais la victoire divine viendra

Peu importe combien de temps ça prendra

Nos mosquées ont été salies

Nos maisons ont été brûlées

Notre argent a été volé

Nos enfants ont été tués

Les femmes ont été violées

Nos familles ont dû fuir

Nos villes ont été détruites

Notre armée a déserté

La raison : les RSF [milices]

On veut pas juste une trêve

On veut une vengeance

On va récupérer ce qui est à nous

Wallah combien de chances on vous a donné

Compte, celle là c’est la combientième déjà

On a qu’une seule solution : la résistance populaire

On lève nos armes et on rate pas la cible

La patience ne sert à rien sans les tirs des balles

On reste là et on ne reculera pas

Nous sommes les lions de la jungle, les fils des guerres

On n’a pas peur de la mort

On n’abandonnera pas

Si une route est fermée, on ouvrira d’autres routes

Impossible de se rendre

C’est hors de question

Refrain

Nous sommes des soldats qui ne mourront jamais

Nous sommes la nation forte comme les lions

On se sacrifiera nous-mêmes et notre sang s’il le faut

Pour la chute de celui qui nous opprime et nous vole

------

Si cet article vous a plu et vous aimeriez d’autres traductions, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou nous envoyer un mail ou un message sur Instagram pour nous le dire !

Equipe

Article réalisé collectivement par les membres de Sudfa Media.

Culture

20/01/2025,
par Equipe

Rap soudanais : des voix contre la guerre

20/01/2025, par Equipe

Dans notre dernier article, on vous parlait de la scène rap soudanaise mise en avant par le projet Rap Shar3. Aujourd'hui, on a traduit pour vous deux de ces morceaux de rap.

18/01/2025,
par Equipe

Malgré la guerre, le rap soudanais fait parler de lui

18/01/2025, par Equipe

Malgré la guerre qui fait rage au Soudan depuis maintenant presque deux ans, une vingtaine de rappeurs soudanais se sont rassemblés pour produire des morceaux inédits via le projet Rap Shar3 (Rap de Rue).

23/03/2024,
par Lea Senna Equipe

Abdelwahab Latinos : guerre et exil, les abîmes de la désillusion

23/03/2024, par Lea Senna Equipe

Le 17 août 2020, un jeune poète soudanais, Abdelwahab Youssef, dit « Abdelwahab Latinos », mourait en mer Méditerranée, en tentant de joindre l’Europe, laissant derrière lui une cinquantaine de poèmes magnifiques. Nous traduisons ici des extraits inédits de deux de ses poèmes, intitulés "Sur la guerre", et "Voyage d'un récit exilé".

27/10/2023,
par Khaled Siraj

Vingt langues en cinq pas ! Nostalgie alimentaire... Le Soudan au coeur de Paris

27/10/2023, par Khaled Siraj

Ce court texte littéraire de Khaled Siraj, écrivain soudanais exilé à Paris, décrit le quartier de La Chapelle, où se retrouvent les Soudanais-e-s de la capitale, sous le prisme de la nostalgie.

31/03/2022,
par Equipe

Soudan : le rap et la révolution - interview avec Black Scorpion

31/03/2022, par Equipe

Au cours de la révolution, le rap s'est imposé comme un genre musical majeur au Soudan. Interview avec le jeune artiste révolutionnaire Mustafa Abdel Salam, également connu sous le nom de Black Scorpion, pour parler de la situation et du rôle du rap dans le Soudan d'aujourd'hui.

11/11/2021,
par Equipe

Ayman Mao | Le reggae pour la révolution

11/11/2021, par Equipe

« Eh, ils t'ont acheté combien, pour faire couler le sang ? ». Aujourd'hui, une chanson de Ayman Mao, musicien et lyriciste de la révolution soudanaise. Un message adressé au général Al-Burhan, à l'armée et aux milices, et à tous ceux qui, avant eux, ont pris le pouvoir par le sang.